À Venise, 60 % des foyers déversent encore leurs eaux usées directement dans les canaux. La réglementation européenne exige pourtant leur traitement pour protéger la ville, mais Venise bénéficie d’exemptions qui relèvent presque du privilège. Ces dérogations, rares ailleurs, sont devenues la norme dans la Cité des Doges.
La ville affronte une pression touristique sans équivalent : plus de 25 millions de visiteurs franchissent chaque année ses ponts et ses ruelles. L’écosystème, déjà mis à mal par ce ballet incessant, subit de plein fouet les conséquences de l’assainissement défaillant. Entre exigences environnementales et appétit du tourisme de masse, les autorités locales avancent sur une ligne de crête. Jusqu’ici, la solution durable échappe encore à Venise.
Venise face à la montée des eaux : comprendre une situation alarmante
Venise surgit de la lagune, perchée entre mer et marais, et porte le poids de son passé aussi bien que de ses menaces. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la ville est à la fois joyau et territoire sous pression. L’acqua alta, phénomène de marée haute spectaculaire, ne se contente plus d’être un épisode saisonnier : elle s’impose comme le rappel régulier que la cité vit au rythme de l’eau qui monte. Places inondées, palais submergés, marchés bousculés, la vie vénitienne tangue au gré de ces assauts répétés. Le changement climatique amplifie le phénomène, creusant chaque année un peu plus l’écart entre la beauté et la précarité.
Le dispositif MOSE (Modulo Sperimentale Elettromeccanico) a été conçu pour protéger Venise : soixante-dix-huit portes mobiles, entrées en service en 2020, s’érigent lors des épisodes critiques. Cette défense d’ingénierie, aussi impressionnante soit-elle, n’offre aucune garantie absolue. Les crues s’invitent encore, l’érosion avance, les marais s’effacent. Venise s’accroche, mais chaque tempête, chaque pic de marée, resserre l’étau.
Pour saisir l’ampleur de la situation, voici ce qui façonne aujourd’hui la fragilité vénitienne :
- Lagune de Venise : un habitat naturel menacé à la fois par l’érosion et la pollution urbaine.
- Marées : des épisodes de plus en plus marqués, liés à des phénomènes météorologiques extrêmes.
- MOSE : une prouesse technique, mais aussi une source de débats sur son efficacité et ses limites.
Entre la mer Adriatique et ses propres failles, Venise multiplie les travaux de protection. Mais l’usure gagne du terrain, les fondations se fragilisent, et l’âme de la ville est sur le fil. Capitale vénitienne, elle incarne l’affrontement permanent entre la splendeur du passé et la force brute des éléments.
Quels impacts du surtourisme sur l’équilibre fragile de la lagune ?
Venise accueille chaque année jusqu’à 30 millions de personnes. Cette déferlante transforme la lagune en vitrine mondiale du tourisme. Le centre historique, déjà menacé par l’eau, subit une pression constante :
- ruelles envahies, files interminables devant la basilique Saint-Marc, embarcadères bondés, gondoles sollicitées à l’extrême.
La cohabitation devient parfois explosive. Les visiteurs cherchent l’authenticité, les habitants peinent à la préserver. Les paquebots de croisière, qui venaient autrefois jusqu’au pied de la place Saint-Marc, ont accéléré la dégradation des berges et la pollution de l’eau. Leur éviction du centre historique vise à limiter les dégâts, mais l’affluence ne faiblit pas, portée par les réseaux sociaux et la toute-puissance des plateformes de réservation.
Des mesures ont été mises en place pour tenter de contenir l’afflux :
- Péage touristique : instauré pour canaliser les flux quotidiens.
- Transports publics sous pression : vaporetti surchargés, gondoles partout.
- Population locale en chute libre : 60 % d’habitants en moins depuis 1950.
L’économie locale dépend du tourisme, mais la ville s’y perd. Les résidents quittent le centre, chassés par la flambée des prix et la difficulté à maintenir une vie ordinaire. Venise navigue entre admiration internationale et solitude croissante, sans parvenir à retrouver l’équilibre.
La gestion des eaux usées : un défi environnemental au cœur de la cité
À Venise, la gestion des eaux usées n’a pas d’équivalent. La ville, traversée par un maillage unique de canaux, fonctionne encore sans égouts modernes généralisés. Ici, les eaux usées, venues des logements, des hôtels, des commerces, aboutissent directement dans la lagune, portées ou dispersées par le va-et-vient des marées et la puissance de l’acqua alta. La dilution naturelle fait office de traitement, mais le système montre ses limites, surtout lors de périodes d’assèchement des canaux. Les odeurs se font alors plus présentes, la navigation s’en trouve compliquée, et l’activité quotidienne s’adapte tant bien que mal.
Les conséquences de cette gestion historique sont multiples :
- Pas d’égouts modernes pour la majorité des habitations.
- Canaux qui s’envasent progressivement, posant des défis pour le transport fluvial.
- Navigation entravée lors des travaux ou des épisodes de basses eaux.
Dès la Renaissance, des ingénieurs tentaient déjà de limiter l’envasement. Aujourd’hui, la sauvegarde de la ville passe par une maîtrise collective des flux, une surveillance constante, et l’engagement de l’UNESCO et d’experts internationaux. Venise, classée au patrimoine mondial, doit naviguer entre héritage et contraintes contemporaines.
Voyager autrement à Venise : adopter des gestes responsables pour préserver la Sérénissime
Explorer Venise, c’est aussi accepter de modifier ses habitudes. La Sérénissime, protégée par l’UNESCO, voit défiler des millions de visiteurs. Pour alléger la pression, tournez-vous vers des quartiers moins fréquentés comme Dorsoduro ou Cannaregio, loin de la cohue de la place Saint-Marc. Cette approche permet de découvrir une Venise plus intime, tout en contribuant à la préservation de son équilibre.
Adopter la mobilité douce prend tout son sens ici : privilégiez la marche, les vaporetti, ou même une balade paisible en gondole. Le réseau fluvial structure la ville, et le respect de son fonctionnement passe aussi par des choix de transport réfléchis. Les vaporetti, véritables bus flottants, participent au désengorgement des ruelles et limitent l’empreinte écologique.
Les règles locales sont claires, même si elles se font discrètes : évitez de manger sur les marches des églises, ne nourrissez pas les pigeons, limitez l’utilisation de produits susceptibles de polluer les canaux, même pour des gestes quotidiens. En favorisant des restaurants et commerces ancrés dans la tradition vénitienne, vous soutenez une économie plus respectueuse de la ville. Par exemple, déguster un Spritz au Bar Gelateria Bellavista, à deux pas de la place Saint-Marc, offre une parenthèse authentique, loin des circuits balisés.
Opter pour une visite guidée avec un expert local, s’intéresser à l’histoire de la gestion des eaux, prolonger son séjour ou profiter de la ville après la tombée de la nuit : chaque choix compte. Lorsque la lagune retrouve son calme, Venise laisse entrevoir une autre facette. Voyager ici, c’est aussi prendre part à la sauvegarde d’un lieu unique, où chaque geste pèse dans la balance. Le futur de Venise se joue autant dans ses canaux que dans les pas de ses visiteurs.